La deuxième moitié du XIIe siècle voit naître en Ile-de-France un grand élan de constructions : c’est le début de ce qu’on appellera plus tard l’art gothique. De Saint-Denis à Sens, Paris, Laon ou Noyon, les chantiers se multiplient pour agrandir, embellir, mettre au goût du jour les anciennes cathédrales. Chartres ne peut rester en deçà de cette effervescence générale. Peu avant le milieu du siècle on entreprend de rénover le portail d’entrée.
L’occasion d’une reconstruction totale est donnée par un nouvel incendie qui, le 10 juin 1194, détruit une partie de la cathédrale. Le trésor des reliques est conservé. L’entrée occidentale et quatre verrières romanes sont intégrées au nouvel édifice.
On décide de rebâtir la cathédrale. L’évêque Renaud de Mouçon, cousin germain du roi Philippe Auguste, s’y emploie. Autour de lui, 72 chanoines gèrent les affaires de l’évêché. Leur fortune est due aux impôts prélevés sur l’activité agricole florissante de la Beauce. Ils sont prêts à l’investir dans la construction. Le pape Innocent III soutient le travail de rénovation ecclésiale. Il restructure l’Église, initie le renouveau de la pastorale, réforme l’éducation des prêtres, réaffirme la force des sacrements en ce temps de croisade contre les Albigeois.
La ville est riche. En ces temps de paix, c’est un nœud commercial florissant, un grenier à blé. Elle abrite 6 000 habitants. Politiquement Chartres ne fait pas partie du domaine royal, où elle ne sera intégrée qu’en 1286 avec Philippe le Bel. Le Comte de Chartres, à la tête d’un domaine puissant dont les terres s’étendent loin, se considère comme le rival du pouvoir capétien en pleine expansion. Une cathédrale, grande, belle, à la mesure des audacieuses constructions du territoire capétien, ne serait pas pour lui déplaire.
Comme dans toutes les villes de ce temps, une nouvelle société se développe, avec des bourgeois et des artisans actifs. Ils participent à la grande mutation économique, culturelle, sociale, religieuse des environs des années 1200. Ils ont soif eux aussi d’investir leur nouvelle richesse dans une œuvre qui retourne à Dieu cette prospérité.
Les conditions sont donc réunies pour un projet rassemblant toutes les forces vives de ce temps. La construction est rapide. Commencée en 1194, la cathédrale est rendue au culte vers 1220, tandis que la dernière main mise à la décoration consiste en la pose, en 1230, des vastes porches des transepts, préalablement sculptés. Peu de villes peuvent se vanter d’une telle rapidité. Ajouts et embellissements de détails se poursuivent jusqu’en 1260 : le 17 octobre, la cathédrale est solennellement consacrée en présence de Saint Louis.