Chartres doit son rayonnement à son sanctuaire marial. Le premier édifice chrétien a-t-il pris la place d’un ancien lieu de culte druidique ? Jules César dans sa Guerre des Gaules raconte en effet que les druides avaient l’habitude d’un rassemblement annuel aux confins du territoire des Carnutes. Il n’y aurait d’ailleurs rien d’étonnant à une telle continuité cultuelle : on la constate un peu partout dans le monde méditerranéen. Ce qui, par contre, relève de la légende, c’est le fait d’attribuer la statue (brûlée à la Révolution) de la Vierge romane de Fulbert à ce passé druidique : au XIVe siècle en effet se développe l’idée qu’il s’agirait d’une statue druidique d’une vierge enceinte (« Virgo paritura ») et qu’il y aurait eu à Chartres un culte prémonitoire de la Vierge Marie.
Le développement du culte de la Vierge repose sur la présence à Chartres de la relique de la Chemise de la Vierge. Il s’agit en fait d’un long voile, acquis par Charlemagne à Constantinople où le tissu avait appartenu à l’impératrice Irène. La relique est conservée un temps à Aix-la-Chapelle, jusqu’à ce que Charles le Chauve l’offre à Chartres. Pourquoi s’en est-il dessaisi ? Chartres faisait partie de son territoire et il a pu vouloir favoriser ainsi le développement de la cathédrale. Le reliquaire abritant ce précieux tissu était placé sur le maître autel de la cathédrale. On attribue à cette relique de nombreux miracles : elle protège la ville de ses ennemis, guérit du mal des ardents… Au bruit de ces miracles, le pèlerinage prend de l’ampleur. Au milieu du XIIe siècle, la dévotion de saint Bernard et d’autres pour la Vierge porte ses fruits à travers tout l’Occident. C’est à Notre-Dame que l’on dédie les grandes cathédrales gothiques. Cette émergence de la Vierge comme personnage déterminant de la foi chrétienne porte très haut les sanctuaires dont elle était la référence spirituelle. C’est pour permettre aux pèlerins d’accéder à la châsse contenant le Voile de la Vierge qu’est aménagé dans la cathédrale un large déambulatoire autour du chœur.
Humbles et malades, pécheurs repentis, bourgeois et seigneurs, rois de France, dont Saint Louis, venu cinq fois à Chartres en pèlerinage, rois d’Angleterre, princes et prélats, fidèles de toutes conditions, viennent se recueillir auprès de celle qui peut les guérir et les aider à progresser dans l’itinéraire de leur vie. La dévotion des foules ne s’adresse pas seulement à la Vierge, et l’énumération des innombrables reliques contenues dans le trésor de la cathédrale serait fastidieuse. On avait, dès le XIe siècle et peut-être déjà aux temps carolingiens, développé un culte autour d’un puits miraculeux situé dans la crypte, dans lequel auraient été jetés les corps de premiers martyrs : le » puits des Saints-Forts « . Par la suite, les reliques se sont accumulées, répondant à un besoin de prière de plus en plus intense. Les plus anciennes reliques sont celles des saints locaux : saint Lubin, qu’on considère comme le fondateur de l’église chartraine, Calétric son successeur, Solenne à qui on attribue la conversion de Clovis, Béthaire qui défendit la ville contre les Burgondes, les martyrs saint Chéron et saint Piat, saints Savinien et Potentien, évangélisateurs de la Gaule…. On vénère aussi des saints tout proches dans le temps : l’évêque Jean de Salisbury donne à la cathédrale du sang de Thomas Becket et le couteau de son récent martyre. Des croisades on rapporte d’autres reliques : un morceau du bois de la vraie croix en 1120, la tête de saint Théodore, celle de sainte Anne et de saint Matthieu en 1204, au retour de la quatrième croisade. On conservait aussi à Chartres des reliques de cheveux de Marie Madeleine, la main de saint Thomas, des pierres du martyre de saint Étienne, la dent de saint Laurent… On a ainsi le sentiment que la mémoire des saints de tous les temps est présente à Chartres. En fonction de leur prière personnelle, de leur histoire, les chrétiens viennent se recueillir à Chartres auprès de ces reliques, dont la présence est relayée par des milliers d’images en vitraux et en sculpture.